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L'écriture et quoi ?

 

Tout commence avec la langue. La langue maternelle bien sûr, celle que j’apprends à lire et à parler mais surtout celle qui me sert à chanter, car j'ai la chance d'être scolarisée dans une école primaire musicale de quartier et j'y apprends non seulement plusieurs langages, mais aussi à me servir de ma langue pour jouer de la flûte et pour chanter. Pour moi l'école est un lieu de rêverie immense. L'ennui fait partie des moments précieux où je peux me sentir abritée car nous sommes trop nombreux pour que cela soit perceptible. Je suis tranquille. Je regarde dehors. La rêverie c'est entendre vaguement quelques chose. C'est aussi aller voir ma mère répéter des pièces de théâtre pendant des heures. Quand vous entendez une pièce quarante ou cinquante fois pendant plusieurs mois, ce n'est pas le sens de ce texte qui vous reste, ce sont les sons. Mon rapport à l’écriture tourne autour de la musique, de l'oralité de la langue, quasi exclusivement ; les textes que j'écris sont tous destinés à être lus à haute voix : poésies, livres pour enfants, textes pour le spectacle vivant, fictions radiophoniques et partition pour chœur.

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               Bronislava Nijinska Man Ray

Biographique anecdotique du 23 Avril 2020

Née  à Lille en 1974,

Je suis attachée à tout ce qui fait mon territoire pendant vingt ans : les pavés du centre ville, la citadelle où je vais courir enfant, la Deule crasseuse, les banlieues ouvrières aux briques rouges, les gens qui parlent franc, fort et à tout le monde ; qui vous livrent leur intimité, leurs questions, comme si vous étiez leur curé quand vous attendez le bus. Les gens qui empêchent le silence, qui ont toujours quelque chose à vous dire en vous regardant dans les yeux. J'aime cette incorrection, cette effraction, qui rompt ma solitude sans l'agresser, les gens s'invitent à vos côtés.

Je fais mon entrée à l'école dans un établissement primaire musical de quartier, j'y apprend le solfège (mal) à chanter (bonheur absolu jamais démenti) à faire de la flûte, et ces années sont le fondement d'un univers profond, fait de solitude et d'une capacité à rejoindre un monde imaginaire charnu, puissant. Je reste dans le nord jusqu'en Licence de Lettre Modernes, puis je pars à Toulouse poursuivre mon cursus littéraire et j'y trouve un peu par hasard un premier boulot pour un festival de court-métrages, puis un deuxième pour un festival de littérature, au final j'y reste douze ans.

Je vis en Drôme maintenant, depuis douze ans également.

Je me dis : de ces lieux que reste-t-il ? La parole, immédiate, directe des gens du nord, à l'opposé des contours, que les Cathares prennent pour raconter quelque chose d'intime. Le climat sûrement aussi. Les couleurs. Les amis évidemment. Là où je suis, c'est un peu nulle part, les couleurs sont moins évidentes que le gris ou le bleu, c'est aussi un endroit de passage, de vacances, de rivières, de vallées où il règne une douceur qui semble faire oublier que l'on peut naître ici, comme s'il s'agissait d'un endroit où l'on va mais pas d'où l'on vient. C'est le premier endroit où j'ai vu les étoiles en rentrant chez moi, sans avoir besoin d'être partie en voyage. C'est la première fois que j'ai vu un automne aux accents hystériques, la nature partout, hurlant sa joie de vivre, faisant exploser ses couleurs, avant le grand sommeil.

 

Un lieu de vie, le lieu où l'on vit, ça n'a toujours été pour moi, qu'un endroit où l'on peut revenir, un endroit qui offre avant tout la possibilité d'en partir. Il a toujours fallu partir. "Si tu peux rester reste, pars s'il le faut." dit Baudelaire. Pour moi c'était tout le contraire, si tu peux partir pars, reste s'il le faut. J'ai beaucoup voyagé petite (aussi déménagé) avec ma mère et son drôle de métier ambulant de comédienne. Puis adulte, encore beaucoup déménagé et voyagé par choix cette fois, par goût, par fuite aussi souvent. Je ne suis pas sédentaire fondamentalement ; nomade dans mon besoin de faire et refaire, même dans mon petit métier, qui se tient à mes côtés avec l'écriture (je m'occupe d'un cinéma itinérant).

 

Ce qui me ramène à un "chez moi" et qui me fait sortir de l'errance (et fort probablement de la folie) ce sont les autres. Le besoin d'avoir un enfant procède peut-être de cette nécessité vitale de m'ancrer quelque part pour construire quelque chose, planter un enfant graine dans un sol et voir pousser des racines.

Que quelque chose soit continu, stable. Peut-être est-ce aussi vieillir ?

Une hutte, un campement, un élevage, le lieu n'avait pas d'importance, l'enfant partait toujours d'une maison pour une autre, le lieu ne comptait pas, seul comptait l'espace intérieur, le lieu à soi, immobile, son imaginaire, et puis tout ce qui vient l'enrichir, les autres... Aujourd'hui, le rapport au lieu s'est transformé, lié au besoin de corps.

 

Il est possible de rester. La Drôme est devenue cette possibilité de rester quelque part. Un refuge où je peux enfin comprendre ce : " si tu peux rester reste..."

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